• Avec le concours de la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, une direction du secrétariat général pour l’administration du ministère de la Défense.
    Avec le concours de la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, une direction du secrétariat général pour l’administration du ministère de la Défense.
  • Tracts clandestins (1939-1945) : une collection pour l’Histoire

    Fabienne Le Bars

    « Ce sont justement ces photographies inédites, ces dessins inspirés par la vision de tant de souffrances, ces pauvres journaux clandestins ronéotypés, ces tracts qu’on trouvait, un jour, déposés sur une table ou sur un rayonnage par une main anonyme, isolément ou en gros paquets, qu’on ramassait dans la rue ou dans les champs, qu’on décachetait dans son courrier, qui constitueront dans peu d’années, peut-être même dans quelques mois, les meilleurs témoins et les plus rares d’une des plus douloureuses époques de l’histoire de la France. »

    Madeleine Chabrier (décembre 1945) [1]

    Parmi les livres proposés au regard des visiteurs de l’exposition consacrée en 1960, dans la galerie Mazarine, aux Enrichissements de la Bibliothèque Nationale de 1945 à 1960, le département des Imprimés avait fait le choix de réserver deux sections respectivement aux « Tracts de la Seconde Guerre mondiale » (VIII, no 828-839) et aux « Périodiques clandestins, 1940-1944 » (IX, no 840-849) [2], avec une sélection de pièces jugées significatives, par leur sujet ou leur forme, des principaux événements de la guerre et de l’Occupation. Il avait également retenu, sous le no 707, les Articles véritables sur les horribles, grandz et importables abuz de la messe papalle inventée directement contre la Saincte Cene de Jesus-Christ… [Neuchâtel, Pierre de Vingle, 1534], autrement dit le « texte authentique du tract qui, affiché dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534 jusqu’aux portes de la chambre royale, provoqua une sévère persécution à l’encontre des Réformés [3]  », événement plus connu sous le nom de «  l’affaire des placards  ». Par une curieuse coïncidence comme seul le hasard les fait naître, c’est en effet au cours de la Seconde Guerre mondiale, en 1943, au moment même où sous le joug des maîtres du moment le seul fait d’être pris en possession du moindre tract ou d’une quelconque feuille clandestine pouvait enclencher toute l’horreur de la répression nazie, que plusieurs exemplaires de ces « placards » séditieux furent découverts dans les plats de reliures du XVIe siècle conservés à la bibliothèque de la ville de Berne, et dont l’un fut acquis en 1957 par la Bibliothèque Nationale. Le rapprochement de ces pièces, outre qu’il leur conférait de facto le statut de documents patrimoniaux et précieux, démontrait aussi comment l’histoire pouvait, à quatre siècles d’intervalles, s’écrire sur de modestes feuilles réalisées dans la clandestinité, miraculeusement sauvées d’une destruction pourtant promise.

    Constitution de la collection


    La collection des publications clandestines de la Seconde Guerre mondiale aujourd’hui conservée à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France se compose d’environ 1250 titres de périodiques français ou étrangers et 12000 tracts et papillons de propagande politique diffusés de 1939 à 1945 en France ou à l’étranger. Les archives relatives à ce fonds considérable et à sa constitution représentent un ensemble documentaire particulièrement abondant, réparti dans plusieurs boîtes et cartons d’archives qui réunissent, dans de multiples dossiers, chemises et sous-chemises classés thématiquement, tout un ensemble parfois redondant de rapports, notes, états successifs de collections et correspondances, couvrant une période de près de trente ans, du dernier semestre 1944 à la fin des années soixante. Ces papiers sont restés pour l’essentiel intacts depuis qu’ils ont été transmis par le département des Périodiques à la Réserve du département des Imprimés (aujourd’hui Réserve des livres rares) à une date qui reste à préciser mais qui se situe probablement au début des années soixante-dix ; quelques documents produits par la Réserve y ont été adjoints au cours de la décennie suivante. Outre l’envergure d’un projet visant à réunir un matériau historique le plus exhaustif possible, l’examen de ces archives révèle aussi l’implication très forte de personnes successivement ou conjointement chargées du traitement de ce fonds bien particulier, dont elles avaient parfois elles-mêmes directement vécu l’histoire, fonds dont Julien Cain, rétabli dans ses fonctions d’administrateur de la Bibliothèque Nationale le 18 avril 1946, s’enorgueillissait déjà en 1951 qu’il constituât l’une des collections les plus riches au monde dans ce domaine [4].

    État de la collection de tracts au printemps 1947

    Le traitement des publications clandestines de la Bibliothèque Nationale avait débuté par l’inventaire des périodiques clandestins et résistants publiés de 1939 à 1944. Le signalement bibliographique était achevé et considéré comme prêt pour l’impression dès le premier semestre 1947, comme l’annonce une note du 12 juillet 1947, précisant que « ce répertoire serait un précieux instrument de travail pour l’étude de la Résistance et de la guerre ». Ce travail de longue haleine, mené dans un délai remarquablement court eu égard à l’importance de la collection, avait été confié à Renée Adam (1922-1995), qui travaillait au département des Périodiques de la Bibliothèque Nationale depuis novembre 1943, date de son recrutement comme bibliothécaire assistante dans le cadre du chantier de jeunesse 949, ouvert pour des travaux intellectuels auprès de la Bibliothèque Nationale par le Commissariat à la lutte contre le chômage, rattaché au Secrétariat d’État au travail [5]. Lorsque ce statut de « chômeur intellectuel » fut supprimé en 1945, c’est ès qualités que Renée Adam, diplômée de l’Union française des Organismes de Documentation, fut recrutée le 1er avril 1945, comme « agent contractuel 2e échelon », pour reprendre les termes de sa lettre d’engagement conclue pour une durée d’un an, contrat renouvelé par la suite.
    Ce premier volet du signalement des publications clandestines accompli et en attente d’un éditeur, le chantier de la collection de tracts pouvait désormais s’ouvrir : au début de l’année 1947, le classement de ces milliers de feuilles fut officiellement confié par Pierre Josserand (département des Imprimés), Jacques Guignard (Réserve des Imprimés) et Jeanne Petit (département des Périodiques) à Renée Adam, dans la suite logique du travail qu’elle venait d’accomplir sur les périodiques, et à Paul Roux-Fouillet (1921-2008). Ce dernier, recruté en octobre 1945 comme assistant à la bibliothèque Sainte-Geneviève dans le cadre d’un chantier de travail intellectuel, était entré à la Bibliothèque Nationale sur concours, comme sous-bibliothécaire, en 1946. Il y avait été affecté au service de l’Histoire de France, poste qui lui permit de faire coïncider sa formation initiale d’historien – il était titulaire d’une licence d’histoire et géographie et diplômé d’études supérieures d’histoire – avec sa nouvelle vocation de bibliothécaire. L’histoire personnelle de Renée Adam et Paul Roux-Fouillet rejoint alors celle des collections qui avaient favorisé leur rencontre : ils convolent en justes noces en mai 1947 et, à partir de 1948, Paul Roux-Fouillet prend seul les rênes de ce travail de bénédictin, sa femme cessant toute activité professionnelle à la naissance de leur premier enfant. Le sujet n’en demeura pas moins une affaire de couple, comme le confie leur fils Jean-Paul, qui garde de la maison familiale de son enfance le souvenir d’une atmosphère très politisée où l’histoire contemporaine et son écriture nourrissait régulièrement les conversations [6].
    Ce sont précisément cinq documents dactylographiés successifs rédigés entre 1948 et 1962 par Paul Roux-Fouillet, devenu au fil des ans la véritable cheville ouvrière de cet immense chantier, qui éclairent l’historique relativement complexe de la constitution de ce fonds de tracts clandestins, comme les étapes de son inventaire, de sa cotation et de son catalogage ou encore de son traitement physique. Il s’agit, dans l’ordre chronologique de leur rédaction, d’un rapport daté du 28 décembre 1948 intitulé « Origine de la collection des tracts de la période 1939-1945 » ; d’une « Note concernant l’état des collections de publications clandestines » datée du 15 février 1956 ; d’un deuxième rapport daté de 1960 intitulé « La collection de publications clandestines de la Bibliothèque Nationale. État en 1960 et perspectives d’avenir », auquel on peut adjoindre une « Note concernant les échanges de tracts (et périodiques) lancés d’avions et la reproduction photographique de feuilles appartenant à des collections privées, notamment celle du colonel Toussaint », note datée à la main de juillet 1960 ; enfin d’un rapport daté du 13 août 1962 intitulé « État du traitement des publications clandestines le 11 août 1962 et plan de travail pour son achèvement rapide ». Le développement qui suit s’appuie donc très largement sur ces documents, qui apportent des éléments complémentaires aux deux articles tardivement parus sur le sujet en 2000 et 2002, dus respectivement à la plume de Paul Roux-Fouillet lui-même et à celle d’Anne Plassard [7].

    Les tracts représentaient au début de l’année 1947 deux collections principales : la première, conservée à la Réserve du département des Imprimés, faisait d’une certaine manière figure de collection historique à forte connotation symbolique puisqu’elle était formée d’une grande partie des tracts entrés à la Bibliothèque pendant l’Occupation, tandis que la seconde, conservée au Service de l’Histoire de France, comprenait essentiellement les tracts entrés après la Libération de Paris, autrement dit à compter du mois d’août 1944.
    En l’absence d’archives contemporaines qui en auraient dressé la genèse ou détaillé en amont le contenu, il reste difficile d’établir clairement la complétude de la collection réunie et constituée comme telle à la Réserve probablement au début de l’année 1943. D’après Paul Roux-Fouillet, ce fonds y fut pris en charge par M. Sauvage, qui le classa par ordre alphabétique des tracts et en établit un premier fichier sommaire ; ce dernier dressa également une liste des doubles dont une partie fut alors remise au département des Estampes, où ils vinrent compléter un embryon de collection de tracts, papillons, cartes postales ou encore d’affiches sans texte. Il ressort de ce premier effort d’organisation du fonds que la collection réunissait déjà à cette date des documents d’origines très diverses : tracts « officiels » entrés par dépôt légal ; tracts clandestins entrés aussi officiellement lors des premiers mois de l’Occupation (car certains imprimeurs eurent cette « inconscience » professionnelle de s’acquitter aussi pour ces documents interdits de cette obligation légale) ; tracts clandestins ramassés et collectés par les membres du personnel de la Bibliothèque au moment de leur diffusion et remis au département des Périodiques, où ils étaient centralisés par Georges Bataille (jusqu’à son départ de la Bibliothèque au cours de l’année 1941) et Jeanne Petit [8]  ; enfin, tracts clandestins ou lancés d’avions saisis par la préfecture de Police, dont la Bibliothèque Nationale avait obtenu le dépôt en mai 1941, identifiables par la présence des tampons de dons no 217678 et 217679.


    Le caractère composite de cette collection initiale est à bien des égards le reflet de l’ambiguïté de la politique menée au cours de cette période au sein d’un établissement tout à la fois soucieux d’affirmer le caractère délictueux de la libre circulation et collecte de ces documents séditieux, comme de réclamer l’archivage des documents saisis pour les placer sous son contrôle inquisiteur. L’attitude collaborationniste de la direction de la Bibliothèque ne faisait au demeurant aucun mystère depuis la nomination le 6 août 1940 de Bernard Faÿ comme administrateur général, en remplacement de Julien Cain, officiellement démis de ses fonctions le 23 juillet précédent et dont l’intérim avait été assuré depuis le 10 juin 1940 par Jean Laran. L’établissement était, depuis sa réouverture au public fin juin 1940, quotidiennement visité par des officiers allemands, qui bénéficièrent de la mise en place d’un service de prêt de documents, tandis qu’une équipe d’archivistes était installée au département des Manuscrits dès la fin du mois de juillet 1940 pour « inventorier les pièces intéressant l’histoire de l’Allemagne » et qu’un bureau proche de la salle de lecture de ce même département fut temporairement aménagé au cours du premier semestre 1941 pour des bibliothécaires allemands [9]. Outre cette présence allemande permanente, l’établissement fut placé durant toute l’Occupation sous la surveillance de policiers « employés à demeure, certains se faisant passer pour des gardiens [10] ». Ce dispositif sécuritaire devait prendre une dimension répressive supplémentaire lorsqu’il s’agit de veiller plus précisément à l’application de la circulaire ministérielle du 16 juillet 1941 sur la répression des menées communistes : les encouragements à dénoncer les agents suspects furent formulés et conduisirent de fait à diverses arrestations en juillet et août 1942, suivies pour certains de peine d’emprisonnement et même de déportation, et, le mois suivant, à la mise à pied de vingt employés [11]. Une note de service figurant dans les archives administratives de la Bibliothèque nationale de France, malheureusement non datée, stipulait aussi clairement : « Toutes les brochures clandestines, périodiques ou non, doivent être remises d’urgence et sous pli cacheté, en mains propres à M. le secrétaire général de la bibliothèque [Raphaël Labergerie]. Les lettres, ou bulletins, ou papiers de quelque sorte qu’ils soient, injurieux pour le chef de l’État ou ses représentants, doivent être également saisis et remis sans délai, sous pli cacheté, au secrétaire général de la Bibliothèque. Les inscriptions séditieuses doivent être également signalées au secrétariat et détruites et effacées dès qu’elles ont été inspectées par l’administrateur ou le secrétaire général [12] ». Si une anecdote rapporte que Bernard Faÿ remit lui-même un papillon « révélant qu’on l’appelait Talleyrand le petit [13] », l’atmosphère générale de la Bibliothèque n’était donc guère favorable, et c’est un euphémisme, à la circulation de documents interdits, répertoriés dans les deux fameuses listes Otto, non plus qu’à la collecte de tracts clandestins, à tout le moins hors du contrôle et de l’archivage exercés par l’administration elle-même. Comme le rappelle Madeleine Chabrier, qui avait participé à l’exposition « La France pendant l’Occupation », proposée du 27 avril au 31 mai 1945 dans la galerie Mazarine de la Bibliothèque Nationale, et dont les souvenirs de la vie quotidienne à la Bibliothèque pendant cette période étaient  certainement bien vivaces encore en décembre 1945, « il faut bien se rendre compte de la somme d’ingéniosité et de patiente ténacité qu’ont dû déployer les chefs des différents services pour arriver à recueillir, clandestinement, tant de documents précieux et compromettants en dépit de la surveillance constante des autorités d’occupation [14] ».

    Il n’en demeure pas moins que la constitution de la collection de la Réserve atteste un réel souci de conserver et garder traces de tous ces documents, quand bien même la volonté présidant à cet effort d’organisation et de recensement n’était certainement pas neutre. C’est d’ailleurs suite à des démarches répétées de Bernard Faÿ depuis octobre 1940 que la Bibliothèque Nationale obtint de conserver à partir de mai 1941 les tracts clandestins saisis par la préfecture de Police cités ci-dessus ; ces documents y étaient récupérés sur place par Jacques Renoult, muni d’un laissez-passer, puis entreposés dans les locaux de l’administration. Cette double volonté de centralisation et de contrôle coïncide avec la création, le 12 décembre 1942, sous la responsabilité de Philippe Poirson, du Centre d’Histoire contemporaine, né de la  réunion de la Bibliothèque d’Histoire de la France contemporaine, créée à la fin de l’année 1940 par Adrien Dansette et Pierre Charliat dans la salle Ovale (alimentée à partir des saisies de biens effectuées en 1940 et 1941), et du Service dit « des sociétés secrètes », en fait essentiellement dédié aux affaires franc-maçonnes et logé au 16 rue Cadet où il était placé sous le contrôle direct des Allemands [15]. Les collections de ces deux institutions furent alors déménagées au 8 rue Copernic, lieu d’installation du nouveau et éphémère département, qui avait pour fonction de « rassembler, classer, conserver et communiquer des manuscrits, imprimés, objets, documents iconographiques et photographiques relatifs à l’histoire contemporaine ; établir des instruments de travail ; centraliser des renseignements sur l’histoire contemporaine [16] ». Au plus tard au cours de l’été 1943, d’après leur correspondance, Bernard Faÿ prit la décision, en concertation avec Philippe Poirson, de faire désormais parvenir au centre de la rue Copernic les saisies transmises par la préfecture de Police, mais aussi tous les tracts et périodiques clandestins parvenant à la Bibliothèque, quelle que soit leur origine. La nature de cette seconde collection « délocalisée » reste incertaine ; il n’est pas exclu qu’elle fût au moins pour partie initialement constituée d’un certain nombre de ces tracts clandestins collectés de 1940 à 1942 et réunis aux Périodiques, distraits de la collection transmise à la Réserve au début de l’année 1943 et correspondant à un inventaire alors établi par Mlle Belin ; de même, aucun document ne vient fermement attester que les tracts transmis par la préfecture y furent bien déposés. La disparition, constatée dès 1948, de l’inventaire de cette collection dressé sur deux cahiers oblongs en 1945 – date à laquelle fut prise la décision de fermer le centre – fait en l’espèce cruellement défaut.

    L’histoire de la seconde collection, celle du Service de l’Histoire de France, s’écrit beaucoup plus simplement : elle naît au lendemain de la Libération pour recueillir les tracts qui arrivent alors en grand nombre à la Bibliothèque et qu’il faut inventorier avant de pouvoir les fondre dans la collection de la Réserve. Certains de ces tracts furent spontanément offerts dès la fin de l’été 1944 par des particuliers, d’autres furent peut-être ressortis de quelques obscurs recoins de la Bibliothèque où ils avaient été dissimulés par des membres du personnel. D’autres encore, en bien plus grand nombre, furent rassemblés à l’occasion des nombreuses démarches faites en 1944 et 1945 auprès des organismes de Résistance et au siège des divers partis, notamment par Renée Adam, pour réunir et recueillir les collections des périodiques clandestins. Si le but principal de cette activité intense (dont la mémoire est conservée par la très abondante correspondance conservée dans les archives), était d’établir les collections les plus complètes possibles des grands journaux clandestins, ce sont aussi des tracts, des papillons et, plus rarement, des photographies, qui furent souvent remis par la même occasion. Ces documents, principalement des tracts de la Résistance intérieure, ne furent pas immédiatement classés mais constitués en un ensemble de dossiers simplement entreposés dans des placards du Service de l’Histoire de France.

    Enrichissements de la collection après 1947


    La fusion de ces deux grands ensembles, tracts réunis de 1940 à 1942 conservés à la Réserve, et tracts rassemblés depuis 1944 au Service de l’Histoire de France, fut achevée au printemps 1947. Elle fut presque aussitôt rendue obsolète par l’arrivée massive de nouveaux ensembles, qui devaient se poursuivre à un rythme soutenu au cours des années suivantes. À la fin de l’année 1948, date du premier état chiffré dont nous disposons, la collection comprenait environ 4500 tracts ou photographies de tracts ; moins de dix ans plus tard, en 1956, elle était  estimée à quelque 10000 unités. Après cette date, les accroissements se font à un rythme moindre et dans une note de juin 1960, Paul Roux-Fouillet écrivait qu’il ne pensait pas « que de nouveaux dons, échanges ou prêts importants soient à prévoir pour les années à venir : les organismes qui conservent encore des clandestins ne s’en dessaisiront pas ; et il est peu probable que des collections privées substantielles puissent se révéler maintenant ». L’avenir devait lui donner raison puisque le chiffre approximatif de 12000 tracts aujourd’hui avancé pour cette collection montre que l’essentiel était acquis en ce début des années soixante : peu de documents entrèrent de fait à la Bibliothèque après 1964, année du départ de Paul Roux-Fouillet de la Bibliothèque Nationale.
    Les principaux accroissements furent, au moins numériquement parlant, le résultat de dons et d’échanges émanant d’institutions, les transactions menées auprès des particuliers restant dans l’ensemble, sauf exception, plus modestes. C’était probablement là le meilleur moyen pour la Bibliothèque Nationale d’enrichir ses collections à moindres frais, d’autant que ces publications clandestines, et particulièrement les tracts lancés d’avions, avaient désormais une valeur marchande qui ne permettait guère à l’établissement d’envisager de les acquérir à titre onéreux ni de rivaliser avec les autres institutions, notamment étrangères, également soucieuses d’enrichir leurs propres collections. Paul Roux-Fouillet rappelle ainsi dans son rapport de décembre 1948 l’épisode de « la vente Vidal en juin 1948 portant sur 350 tracts et numéros de périodiques et qui a été achetée 200000 francs, par la bibliothèque du Congrès ». Il est fait ici référence à la vente qui eut lieu à Paris, à l’hôtel Drouot, les 23 et 24 juin 1948, dirigée par le commissaire-priseur Me Ed. Giard assisté pour l’expertise de Mme J. Vidal-Mégret, annoncée sous le titre principal Très beaux livres, belles reliures […] et portant pour sous-titre Écrits et imprimés clandestins diffusés en France pendant l’Occupation allemande ; ceux-ci étaient présentés en page 6 du catalogue, section III [17]. Sous le no 58 figuraient environ 400 pièces qui proposaient par leur diversité et leur étendue chronologique une « sorte d’éventail des différentes tendances de la Résistance avant et après sa fusion » à travers des documents pour la plupart imprimés en zone nord et sous le no 59, environ 70 pièces produites par la propagande pro-germanique. Le détail de ces deux lots n’était pas donné au catalogue, faute de place, mais toutes les pièces furent exposées chez l’expert. Des acquisitions furent néanmoins faites par la Bibliothèque Nationale, mais plus tardivement, à partir de 1955, notamment pour compléter les collections de tracts lancés d’avions, auprès de la librairie américaine Charles S. Molnar (Cleveland, Ohio).

    Parmi les nombreux dons reçus par la Bibliothèque figure en premier lieu la collection à peu près complète des tracts destinés à être lancés d’avions sur la France par les Anglais, donnée en 1946-1947 par les Services d’Information anglais. Cette collection presque exhaustive d’exemplaires conservés dès l’origine au titre d’archives, classés et montés sur bristol, fut cotée telle quelle en bloc et transmise directement à la Réserve (cote Rés. G. 729)  ; elle rassemblait feuilles isolées et feuilles périodiques organisées dans un même ordre chronologique identifiable par un numéro d’ordre (ou indicatif) imprimé en bas à droite de chaque document. La seconde collection vint également d’Angleterre, jointe dans les paquets de périodiques clandestins rapportés de Londres par Mlle Courrier suite à la mission qu’elle y avait effectuée du 13 au 29 septembre 1947 dans les archives des Services d’Information du 4 Carlton Gardens : ces cartons recélaient aussi de nombreuses reproductions, par photogravures ou photolithographies, de tracts de la Résistance intérieure faites à Londres en 1943-1944 pour leur plus large diffusion (d’où un grand nombre de documents en plusieurs exemplaires).
    Au début de l’année 1948, ce furent les publications de propagande provenant de la liquidation des Services d’Information allemands en France, la « Propaganda Abteilung in Frankreich », qui arrivèrent, le plus souvent en grand nombre d’exemplaires. C’est cette même  année 1948 ou au plus tard en 1949 que la collection mal identifiée du Centre d’Histoire contemporaine citée plus haut aurait à son tour été (ré)intégrée au fonds de la Bibliothèque ; le mystère de son contenu exact reste tout aussi ouvert, les informations restant contradictoires à ce sujet (soupçons sur son existence réelle, simple collection de doubles formée dès 1943, collection originale volée puis récupérée après perquisition).





    En 1951, c’était au tour de l’énorme collection de la Direction de la Documentation française, organisme issu des Services d’Information de la France Libre, d’être transmise à la Bibliothèque Nationale ; elle comprenait les clandestins apportés de France à Londres et qui y avaient été reproduits par photo-lithographie, des copies multigraphiées d’autres tracts d’origines diverses, ainsi que les tracts et journaux recueillis dans certaines régions (Rhône-Alpes, Languedoc, Limousin, Périgord, Doubs, Belfort) peu après la Libération, résultats d’une recherche systématique, confiée alors aux Commissariats généraux de la République.
    En 1952, l’importante collection, en principe complète, des journaux apocryphes, tracts et papillons imprimés par les Services américains d’Information de Berne et diffusés en France, et surtout en Allemagne, de 1943 à 1945, fut remise en 1952 par le colonel français Schühl-Salambier, lui-même responsable de la propagande aérienne française en 1939-1940 et qui avait participé au lancement de ces documents  destinés à l’Allemagne.
    En 1957, enfin, les Archives nationales transmettaient un don assez important de doubles, principalement des tracts et journaux de la période 1940-1941 saisis à l’époque dans des imprimeries et qui manquaient à la Bibliothèque.

    Les échanges concernèrent les collections de triples, appelés « doubles » pour la circonstance, la Bibliothèque possédant en effet pour certains ensembles de tracts un grand nombre d’exemplaires qu’elle put d’une certaine manière monnayer. Le principal enrichissement au titre des échanges entre institutions put se faire grâce à la collaboration active de la Bibliothèque de Documentation internationale et contemporaine [b.d.i.c.] où de nombreuses publications clandestines avaient aussi été reçues et archivées de 1939 à 1945.
    Pendant le printemps et au début de l’été 1948, Renée et Paul Roux-Fouillet dépouillèrent ce fonds qui n’était pas encore classé ; ils obtinrent tous les doubles de la b.d.i.c. manquant à la Bibliothèque Nationale, purent faire photographier tous les tracts importants dont la b.d.i.c. n’avait qu’un exemplaire et que la Bibliothèque Nationale ne possédait pas et ils établirent la fiche des tracts moins importants. Ce travail assidu permit notamment d’enrichir les collections de la Bibliothèque Nationale pour les publications de Vichy et des partis de la zone nord, les tracts clandestins de la zone sud (en particulier, les photographies réalisées au ministère de l’Information de tracts régionaux, que  la b.d.i.c. avait pu réunir) et les séries étrangères [18].
    Les échanges ou projets d’échanges avec les collectionneurs privés connurent quant à eux des fortunes diverses  ; leur principe reposait sur le don par ces derniers de doubles de leurs collections ou, en l’absence de doubles, du prêt des tracts manquant à la Bibliothèque Nationale afin qu’ils y soient reproduits (photographies pour les tracts, microfilmage pour les journaux), l’établissement cédant en contrepartie soit des doubles de ses propres collections soit la reproduction à titre gracieux d’originaux uniques intéressant ces particuliers. L’essentiel des propositions concernaient les tracts lancés d’avions, constitués en séries aisément identifiables et datables par la présence d’indicatifs, et provenaient de collectionneurs français, hollandais et allemands. Parmi les échanges les plus fructueux pour l’accroissement des collections de la Bibliothèque Nationale dans ce domaine bien spécifique figurent ceux réalisés avec le lieutenant-colonel Louis Toussaint, qui avait lui-même lancé des tracts sur l’Allemagne en 1939-1940 et pouvait se prévaloir de détenir la plus importante collection privée française. L’autre interlocuteur de choix fut le collectionneur italien Amilcare Rossi, qui sut réunir pour sa part un ensemble tout à fait exceptionnel autour des publications communistes, tous types de documents confondus. Cette politique d’échanges se raréfia dans les années soixante, faute de doubles dans les diverses collections, comme le signale Paul Roux-Fouillet, pour laisser presque exclusivement la place à des reproductions photographiques des documents manquants à la Bibliothèque.

    Inventaire et organisation de la collection

    En 1956, les quelque 10000 tracts et papillons qui forment la collection désormais unifiée de la Bibliothèque Nationale sont pratiquement tous classés, catalogués et cotés. Ils sont encore à cette date conservés dans le bureau de Paul Roux-Fouillet qui précise que si ces documents ne sont pas librement communicables en l’état, leur classement permet néanmoins de les retrouver et de les rendre consultables à la demande, sous le contrôle d’un bibliothécaire. En 1962, il peut fièrement annoncer la production de « 10000 fiches dactylographiées depuis 1958 par Mlle Le Marchand (tracts de la Résistance française), Mlle Gilwan (tracts publiés en France par les autorités officielles ou avec leur autorisation, tracts lancés d’avions sur la France, tracts étrangers) et Mme Vingtergnier (une partie des tracts de la Résistance extérieure française) ; le travail est pratiquement achevé ; il ne reste à taper que 2 ou 300 fiches tout au plus de tracts étrangers et les fiches en cours de rédaction des acquisitions de 1962 ».

    Cotation et cadre de classement

    La collection de tracts était indissociable de celle des périodiques clandestins. Elle fut donc comme elle et à sa suite rangée sous la lettre « G » que le système de cotation conçu au XVIIe siècle par Nicolas Clément et alors toujours en vigueur avait affecté à l’histoire générale. Une série de cotes lui fut ainsi réservée dans le registre-carnet de la Réserve dès 1947, date à laquelle la collection des journaux clandestins fut transmise par le département des Périodiques, où elle avait été cataloguée, à la Réserve qui en était, au sein du département des Imprimés, le service de conservation et de communication tout désigné dès l’origine, tant en raison du caractère précieux de ces documents que pour des considérations de sécurité vis-à-vis de pièces dont la portée politique était encore extrêmement sensible, comme le rappelle Pierre Josserand (aux Périodiques) dans la note en date du 1er juin 1948 qu’il joint à Jacques Guignard (à la Réserve) : « Je comprends très bien que ces clandestins soient moins séduisants que la Bible à 42 lignes, mais ils sont fragiles, précieux et sollicitent des curiosités quelques fois très malsaines pour leur conservation (je pense particulièrement à L’Humanité de 1939 au 22 juin 1941.] »
    Les périodiques clandestins avaient ainsi été répartis en quatre catégories principales :
    – Rés. G. 1470 : journaux clandestins français (quelques-uns, de très grand format, furent, pour ce motif, réunis à part sous la cote Rés. Atlas. G. 1)
    – Rés. G. 1471 : journaux, brochures et tracts en français d’origine extérieure
    – Rés. G. 1472 : journaux clandestins des populations immigrées en France
    – Rés. G. 1473 : journaux clandestins apocryphes
        
    Les tracts furent à leur tour rangés, selon le même principe de classement systématique, après les grands accroissements de 1946-1953, autrement dit à la fin des années cinquante. Six catégories furent alors définies, la dernière, donnée ici pour mémoire, venant en fait compléter la série initiale des périodiques :
    – Rés. G. 1474 : tracts dont la diffusion était autorisée en France (six volumes)
    – Rés. G. 1475 : tracts de la Résistance extérieure (France libre, Alger, etc.)(un volume)
    – Rés. G. 1476 : tracts clandestins français (dix-huit volumes)
    – Rés. G. 1477 : tracts lancés d’avions sur la France (deux volumes)
    – Rés. G. 1478 : tracts diffusés à l’étranger (onze volumes, dont cinq pour l’Allemagne)
    – Rés. G. 1479 : journaux clandestins à l’étranger (six volumes)

    Comme on peut le constater à la lecture de cette liste sommaire, cette collection de tracts associe en fait, à l’inverse de celle des périodiques exclusivement dévolue aux clandestins et aux publications lancées d’avion, publications clandestines et officielles : on y trouve en effet, à côté des tracts clandestins stricto sensu, les publications de propagande allemande et toutes les feuilles diffusées par les autorités officielles qui se sont succédé de 1939 à 1945, en France ou en exil et par les mouvements autorisés par elles. Paul Roux-Fouillet justifiait cette anomalie par le « caractère particulier des tracts qui ne peuvent pas être traités immé-diatement comme les livres et les périodiques, mais doivent attendre la constitution de recueils systématiques ».
    Alors qu’on aurait pu juger suffisant de ranger et numéroter les tracts les uns à la suite des autres, au fur et à mesure de leur catalogage, dans chacune des cinq catégories thématiques citées, celles-ci furent au contraire savamment découpées en des arborescences, selon les cas plus ou moins sophistiquées, pour lesquelles nous renvoyons à la p. 163. Ce choix, qui révèle en premier lieu combien l’idée de la valeur historique de la collection a prévalu sur toute autre conception, a le mérite de faire ainsi apparaître clairement, par le seul fait des différentes subdivisions, parties, sous-parties et alinéas, l’importance des domaines couverts comme le caractère protéiforme et multiple de ces éphémères par définition rétifs à toute tentative de classement cartésien, ce qui n’était pas la moindre des gageures. Il va sans dire qu’il s’agit là d’un outil de premier ordre pour les historiens. Ce cadre de classement est physiquement reproduit dans le fichier original conservé à côté de la collection, formé de neuf boîtes cartonnées rectangulaires vert foncé, où les fiches de chaque tract, extrêmement détaillées (manuscrites ou dactylographiées), ont été soigneusement glissées entre des intercalaires qui correspondent à ceux placés dans les albums.

    Conditionnement de la collection

    Le conditionnement de ces milliers de documents était indispensable pour en rendre possibles la manipulation et la communication en toute sécurité et éviter les risques de pertes, de déclassement et de détérioration que le simple maintien libre dans des boîtes ne permettait pas de garantir en raison des formes et dimensions extrêmement disparates de ces tracts et papillons.
    Suite à l’expérience acquise lors du traitement physique de la collection des périodiques clandestins, où le choix initial de reliures  classiques avait rapidement posé le problème de l’intercalation à leur place logique des nouveaux journaux (ou numéros de journaux) au fur et à mesure de leur arrivée dans les collections, c’est le principe des reliures mobiles qui fut d’emblée retenu pour assurer le conditionnement des tracts. Les premiers lots furent semble-t-il confiés à la fin de l’année 1956 à l’atelier de reliure de la Bibliothèque Nationale, alors dirigé par André Desbrosses, qui compte au nombre des membres du personnel arrêtés en 1942 au motif de ses activités politiques. En 1962, Paul Roux-Fouillet annonce que « tous les tracts français, soit les 5/6e de l’ensemble sont prêts à être reliés, ils sont foliotés, une partie des tracts de la Résistance intérieure est depuis un an à l’atelier de reliure » et que leur montage est imminent. Ce travail devait en fait s’étaler sur quelques années.




    La mauvaise qualité des papiers utilisés pour la réalisation de ces tracts, particulièrement les tracts clandestins de surcroît ronéotypés ou imprimés avec des encres tout aussi médiocres, impliqua de procéder, préalablement au montage lui-même des documents, à un important traitement physique de ces documents. Il consistait prioritairement en la mise à plat des froissements et mauvais plis, la restauration des déchirures et le nettoyage soigneux des feuilles plus ou moins détériorées par l’humidité. La question se posa également à ce stade de procéder au doublage de certaines d’entre elles, particulièrement fragilisées, selon le procédé de plastification « Laminator » alors utilisé, mais les craintes exprimées notamment par Paul Roux-Fouillet de  risquer ce faisant de trop modifier l’aspect original de ces feuilles et les inquiétudes quant à la qualité du vieillissement du procédé, évitèrent, au moins à cette date, d’effectuer cette opération très interventionniste.
    Le montage fut aussi une entreprise de longue haleine, chaque document étant collé ou fixé par un papier de soie intermédiaire sur un feuillet de support, à l’unité ou par petits lots, en fonction de leurs dimensions. Ces feuillets étaient ensuite montés sur les onglets destinés à être insérés dans les reliures mobiles achetées auprès de la maison Vidal-Bonnemaison, spécialisée dans ce type de fabrication. Il s’agit, comme on peut toujours les voir aujourd’hui alignés sur les rayonnages de la Réserve, de solides albums en demi-toile kaki et plats de papier marbré flammé dans les tons brun, vert, beige et orange, dotés de quatre cornières métalliques, un système de type « Aclé » permettant le montage des feuillets et, le cas échéant, leur démontage grâce à une double vis venant se ficher dans la barre de métal glissée au niveau des deux mors.

    Comme cela a été souligné déjà par Paul Roux-Fouillet et Anne Plassard, et la situation n’a pas évolué depuis, cette collection de tracts clandestins de la Bibliothèque nationale de France reste pour ainsi dire inexploitée, faute de la publication d’un catalogue, comme cela fut le cas pour la collection des périodiques clandestins en 1954 (mais dont le supplément enrichi de 150 nouveaux titres n’a finalement jamais été réalisé) ou faute, aujourd’hui, du versement des données contenues dans les fichiers cités ci-dessus dans le catalogue général de l’établissement. Cette situation est d’autant plus regrettable que « les tracts clandestins proprement dits, loin d’être des publications mineures, représentent une source d’information essentielle sur la Résistance comme sur la vie quotidienne des Français, leurs servitudes et leurs aspirations pendant l’une des périodes les plus difficiles de leur histoire [19] ».

    On ne peut donc qu’appeler de nos vœux la réalisation de ce catalogage en ligne qui viendrait parachever le travail considérable entrepris pour cette collection dès le sortir de la guerre, comme la mise en place d’un programme de numérisation semblable à celui qui a été réalisé ces dernières années autour d’autres pièces historiques méconnues tels que les Journaux du Front de 1914-1918. Ce serait alors pleinement rendre leur place et faire hommage à tous ces morceaux de mémoire, jetés dans les rues et les campagnes comme le furent, des trains partant de Compiègne pour l’Allemagne, ultimes témoignages souvent de leur existence, ces papiers griffonnés à la hâte par ceux et celles-là mêmes qui, malgré tous les périls encourus, les avaient écrits, copiés, imprimés, ronéotypés, transmis, pour alimenter et faire vivre, envers et contre tout, la flamme de l’espoir.