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La Dernière Colonne. [Zone sud]. Février 1941 [reproduit dans le New York Times en juillet 1942]. Papillon typographié au plomb. 17 x 22,5 cm. Rés. G. 1476 (I-4) fo 249.
La présence de ce papillon dans la collection de la Bibliothèque nationale de France par le biais d’un fac-similé publié dans le numéro du 19 juillet 1942 du New York Times, mérite une explication.
Le papillon en question est l’un des quatre confectionnés en février 1941 par un petit groupe constitué à l’automne 1940 qui avait pris pour nom «  La Dernière Colonne  ». Ne parvenant pas à rompre l’isolement dans lequel il reste confiné et qui l’empêche de recruter, ses initiateurs – Emmanuel d’Astier de la Vigerie, les époux Aubrac, Jean Cavaillès – décident de frapper les imaginations en tentant un pari audacieux  : procéder au collage dans huit villes de la zone sud dans la nuit du 27 au 28 février 1941 de quatre modèles différents de papillons tirés à Clermont-Ferrand. La nuit de l’opération, à Nîmes, des gardiens cyclistes remarquent ces papillons fraîchement apposés sur des murs et arrêtent les quatre jeunes gens qui viennent de les coller. La police n’a aucune peine à remonter jusqu’à Bertrande d’Astier de la Vigerie, nièce d’Emmanuel, qui a coordonné l’opération. Elle est arrêtée et un mandat d’arrêt est lancé contre son oncle. L’opération est donc un véritable fiasco qui oblige le petit groupe à définir une nouvelle stratégie en faisant paraître en juillet 1941 un journal clandestin, Libération, qui devait donner son nom au mouvement et devint, avec Combat et Franc-Tireur, une des grandes organisations de la Résistance non communiste en zone sud.
Comment ce papillon, synonyme d’échec cinglant, se retrouva-t-il dans les colonnes du New York Times  ? L’hypothèse la plus plausible est que, lors du voyage qu’il effectua aux États-Unis en juin 1942, Emmanuel d’Astier le communiqua à ses interlocuteurs pour donner à voir ce qu’était la Résistance en France. C’est ainsi qu’un papillon qui aurait dû disparaître aux oubliettes de l’histoire, d’autant qu’il rappelait une période sombre où le groupe «  La Dernière Colonne  » s’était engagé dans une voie sans issue, figure dans la collection. L.D.