Graduellement, de plus en plus sûre de son fait, la Résistance tend, au fil des mois, à se muer en une sorte d’instance de régulation et travaille à clarifier ses buts de guerre et les principes sur lesquels elle assied son action.µQuand ce tournant-là s’effectue-t-il  ? Il n’existe pas une réponse unique à cette question. En fonction de la vigueur de la répression, fluctuante selon les zones et les périodes, du degré de politisation des responsables à la manœuvre, ce virage intervient à différents moments. µOn peut, pour la zone sud où la politisation de la Résistance est plus avancée qu’en zone nord, retenir comme marqueur le Manifeste dit des «  quatre libérations  », diffusé en novembre 1942. Son degré d’élaboration, aussi bien conceptuelle que technique, démontre que ses concepteurs lui prêtaient une grande importance.µCe manifeste fit forte impression sur les services de la France Libre à Londres qui le rééditèrent dans un format réduit et en parachutèrent à l’intention des responsables de Libération environ 200 000 exemplaires. µIl fut reproduit sur deux colonnes en première page sous le titre «  À tous les Français  » dans le numéro du 10 janvier 1943 de Libération de zone sud et dans une brochure intitulée «  Les documents  » numéro 41 du 1er mai 1943 publiée à Londres. Il fut également cité à la radio de Londres et Libération de zone sud y fit à nouveau référence dans son éditorial de première page du 30 octobre 1943.µCe tract eut donc un écho inattendu, ce qui s’explique probablement par le degré de mûrissement qu’il attestait. Après tout, avec une hauteur de vue qui contrastait avec la pensée minimale des débuts, «  les hommes et l’esprit de libération  » affichaient leur ambition de fonder un très vaste et ambitieux projet politique. L.D.